La Flagellation – Piero della Francesca

The Flagellation (detail) c. 1455 Oil and tempera on panel Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail)
c. 1455
Oil and tempera on panel
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino

La Flagellation, Piero della Francesca

« L’essentiel de ce que l’on appelle le goût repose sur la concordance entre les opérations d’analyse que réclame une peinture et la capacité analytique du spectateur. Nous éprouvons du plaisir à exercer notre habileté, et surtout à l’utiliser pour nous divertir des capacité que dans la vie de tous les jours nous utilisons sérieusement. »[1]

Le tableau que nous analysons rapidement ici est une tempera sur bois de peuplier, mesurant 58 cm par 81 cm, peinte par Piero della Francesca vers 1455. Il se trouve actuellement à la Galerie Nationale des Marches à Urbino en Italie. Il s’agit d’une Flagellation du Christ, qui, comme nous allons le voir, est plus complexe qu’il n’y parait.

Piero della Francesca (son nom complet : Piero di Benedetto de Franceschi) est un artiste peintre né vers 1415 à Sansepolcro et décédé en 1492. C’est non seulement un des plus grands peintres de son temps, mais aussi un mathématicien, maître de la perspective et géomètre reconnu.

Dans ses tableaux transparaissent son goût pour les mathématique et la géométrie, son intérêt pour les questions qui lui sont contemporains et sa philosophie humaniste. Nous en étudions ici un excellent exemple.

On voit que la scène qui devrait être la plus importante, la flagellation du Christ, se trouve en arrière-plan. Elle se déroule à gauche au fond d’une loggia. Il s’agit ici d’une scène biblique, tirée des épisodes de la Passion du Christ. On peut donc supposer que c’est un tableau religieux, destiné à un public de fidèles, support de méditation sur la mort du Christ. Or, comme nous venons de le remarquer, cette scènes n’est absolument pas mise en valeur. Elle est presque cachée, alors qu’à l’avant-plan, ce qui capte l’attention, c’est la présence de trois personnages qui semblent en pleine conversation. De plus, si l’on sait que ce tableau fut commandé par le cardinal Bessarion pour l’offrir à Frédéric III de Montefeltro (Duc d’Urbino). En effet, il désirait convaincre ce dernier d’effectuer une croisade contre les Turcs. Les trois personnages représentés sont les ducs Otto Antonio, Federico et Guidobaldo de Montefeltro (Il s’agit d’une interprétation parmi d’autres), de plus une citation en latin fut découverte sur le cadre du tableau : convenerunt in unum – « Ils se mirent d’accord et s’allièrent ». C’est une citation de la Bible tirée du Psaume, II, 2. Une dimension politique se dessine alors dans l’œuvre. Ça n’est pas une simple scène biblique destinée aux fidèles. Il y a une double lecture, pour un double public. Les fidèles y voient un tableau religieux, et les érudits une œuvre politique.

Voilà alors l’aspect humaniste de l’œuvre, un modèle de l’érudition du peintre, qui plait aux hommes cultivés. C’est alors un point important de l’humanisme parfaitement décrit dans l’ouvrage de Michael Baxandall, L’œil du Quattrocento. Les érudits apprécient de voir ce qu’ils connaissent dans les œuvres, d’y voir se refléter leurs connaissances mathématiques et les questions politiques, qui ne peuvent atteindre les simples fidèles.

« […] l’association entre la technique de mesure et la peinture, que Piero lui-même personnifie, est très réelle. D’un côté, beaucoup parmi les peintres, eux-mêmes gens d’affaire, avaient suivi l’enseignement secondaire mathématique dans les écoles laïques : c’était cette géométrie là qu’ils connaissaient et qu’ils utilisaient. De l’autre, le public lettré engageait ces mêmes capacités géométriques dans sa lecture des tableaux ; elles fondaient leurs appréciations et les peintres le savaient. »[2]

Elisa Guilbert

[1] BAXANDALL Michael, L’Œil du Quattrocento, Editions Gallimard, Paris, 1985 (p.55)

[2] BAXANDALL Michael, L’Œil du Quattrocento, Editions Gallimard, Paris, 1985 (p.135-136)

The Flagellation (detail) c. 1455 Oil and tempera on panel Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail)
c. 1455
Oil and tempera on panel
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail) c. 1455 Oil and tempera on panel Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail)
c. 1455
Oil and tempera on panel
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation c. 1455 Oil and tempera on panel, 59 x 82 cm Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation
c. 1455
Oil and tempera on panel, 59 x 82 cm
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino

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