Mécénat et Humanisme

Le mécénat consiste en le financement et la promotion d’artistes. Il peut se faire par le biais de commandent d’œuvre ou encore par des dons financiers. Ce sont des personnages riches et puissants qui offrent aux artistes qu’ils affectionnent, ou dont le travail correspond à leur goût, argent et sécurité. Ce qui permets aux artistes de continuer à travailler, avec une meilleure qualité de vie et de meilleurs moyens.

A la Renaissance, le mécénat est monnaie courante. Les puissants sont aussi des érudits, des humanistes, qui se passionnent pour l’art, pour des raisons esthétiques, morales et politiques. Cela souligne bien cet esprit d’humanisme, cette primauté de l’individu. Ils soutiennent des hommes pour leurs qualités particulières.

On connaît de grands mécènes de l’époque, tels que Laurent de Médicis, que nous avons souvent évoqué ici, ou encore Come de Médicis. Même les papes, comme Jules II et Léon X font partie du mécénat. Ce sont de grands érudits, passionnés d’art, qui aiment à retrouver leur philosophie dans les tableaux. Les artistes les plus cultivés, doués en science, capables de peindre la perspective géométrique, de traiter des questions d’actualités sont les plus soutenus.

Laurent de Médicis est un magnifique exemple. Il prit sous son aile de nombreux artistes, dont font partie, entre autres, Michel-Ange et Andrea del Verrocchio. Il permet à ces artistes de réaliser des œuvres plus grandes, plus riches et plus abouties. Le mécénat, s’il peut parfois être contraignant, offre également une grande liberté. Les mécènes veulent que la personnalité de l’artiste ressorte dans ses œuvres, puisque c’est cette même personnalité qui les pousse à s’investir. Les artistes répondent à des commandes comme ils le souhaitent. Pour exemple, Le Jugement dernier de Michel-Ange n’a été vu par son commanditaire qu’au moment où il était terminé.

Ce phénomène ne se produit pas seulement en Italie mais partout en Europe. C’est un puissant moteur de la production artistique, et reflet de la culture humaniste.

Elisa Guilbert

1475-83, 1508-12, 1535-41 Frescoes Cappella Sistina, Vatican
1475-83, 1508-12, 1535-41
Frescoes
Cappella Sistina, Vatican

Michel-Ange, une figure humaniste

1545 Marble San Pietro in Vincoli, Rome
1545
Marble
San Pietro in Vincoli, Rome

Les humanistes de la Renaissance sont avant tout des érudits. Ils savent lire le grec et le latin, ce qui leur permet d’étudier les textes des savants anciens qu’ils admirent. Ce sont des passionnés d’art, de science et de littérature, avides de connaissances.

Comme nous l’avons vu dans l’article La naissance de l’humanisme, ils viennent d’abord d’Italie, puis le mouvement se répand partout en Europe.

Ils mettent la question de l’homme au premier plan, ce qui diffère de l’art religieux, qui fait de Dieu la source de toute chose, et où l’individu n’existe pas. L’idéal des humanistes c’est un homme cultivé, curieux, érudit. Et toutes ces connaissances rendent l’homme meilleur.

Cette place centrale que prend l’homme chez les humanistes se dénote dans l’art. On le voit ne serait-ce qu’avec l’invention de la perspective. On voit le monde à travers le regard de l’homme. Et les questions de religion, jusque là primordiales, sont reléguées au second plan (cf. La flagellation du Christ).

L’un des plus grands humanistes, dont nous avons décidé de parler ici à titre d’exemple, est Michel-Ange. Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni (1475-1564), artiste sans égal, à la fois peintre, sculpteur, architecte et poète. Il lié à tous les plus grands noms de son époque, tels que les Médicis de Florence, ou encore aux papes Jules II et Léon X, pour lesquels il réalise ses œuvres les plus extraordinaires. Il exprime, à travers sa production, l’importance de l’homme tout en s’inspirant de la statuaire grecque.

Se traduit alors sa passion pour les maîtres de l’Antiquité, non seulement dans sa sculpture, mais aussi dans sa peinture. Il représente les hommes à la manière des dieux de l’Olympe. Il grandit au milieu d’intellectuels humanistes, qui lui insufflent cette philosophie. C’est le cas pour Laurent le Magnifique, tout particulièrement.

C’est un artiste et érudit épris de la beauté de l’humanité, qui fait de celle-ci le sujet de ses œuvres. Un humaniste à part entière.

Elisa Guilbert

La Flagellation – Piero della Francesca

The Flagellation (detail) c. 1455 Oil and tempera on panel Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail)
c. 1455
Oil and tempera on panel
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino

La Flagellation, Piero della Francesca

« L’essentiel de ce que l’on appelle le goût repose sur la concordance entre les opérations d’analyse que réclame une peinture et la capacité analytique du spectateur. Nous éprouvons du plaisir à exercer notre habileté, et surtout à l’utiliser pour nous divertir des capacité que dans la vie de tous les jours nous utilisons sérieusement. »[1]

Le tableau que nous analysons rapidement ici est une tempera sur bois de peuplier, mesurant 58 cm par 81 cm, peinte par Piero della Francesca vers 1455. Il se trouve actuellement à la Galerie Nationale des Marches à Urbino en Italie. Il s’agit d’une Flagellation du Christ, qui, comme nous allons le voir, est plus complexe qu’il n’y parait.

Piero della Francesca (son nom complet : Piero di Benedetto de Franceschi) est un artiste peintre né vers 1415 à Sansepolcro et décédé en 1492. C’est non seulement un des plus grands peintres de son temps, mais aussi un mathématicien, maître de la perspective et géomètre reconnu.

Dans ses tableaux transparaissent son goût pour les mathématique et la géométrie, son intérêt pour les questions qui lui sont contemporains et sa philosophie humaniste. Nous en étudions ici un excellent exemple.

On voit que la scène qui devrait être la plus importante, la flagellation du Christ, se trouve en arrière-plan. Elle se déroule à gauche au fond d’une loggia. Il s’agit ici d’une scène biblique, tirée des épisodes de la Passion du Christ. On peut donc supposer que c’est un tableau religieux, destiné à un public de fidèles, support de méditation sur la mort du Christ. Or, comme nous venons de le remarquer, cette scènes n’est absolument pas mise en valeur. Elle est presque cachée, alors qu’à l’avant-plan, ce qui capte l’attention, c’est la présence de trois personnages qui semblent en pleine conversation. De plus, si l’on sait que ce tableau fut commandé par le cardinal Bessarion pour l’offrir à Frédéric III de Montefeltro (Duc d’Urbino). En effet, il désirait convaincre ce dernier d’effectuer une croisade contre les Turcs. Les trois personnages représentés sont les ducs Otto Antonio, Federico et Guidobaldo de Montefeltro (Il s’agit d’une interprétation parmi d’autres), de plus une citation en latin fut découverte sur le cadre du tableau : convenerunt in unum – « Ils se mirent d’accord et s’allièrent ». C’est une citation de la Bible tirée du Psaume, II, 2. Une dimension politique se dessine alors dans l’œuvre. Ça n’est pas une simple scène biblique destinée aux fidèles. Il y a une double lecture, pour un double public. Les fidèles y voient un tableau religieux, et les érudits une œuvre politique.

Voilà alors l’aspect humaniste de l’œuvre, un modèle de l’érudition du peintre, qui plait aux hommes cultivés. C’est alors un point important de l’humanisme parfaitement décrit dans l’ouvrage de Michael Baxandall, L’œil du Quattrocento. Les érudits apprécient de voir ce qu’ils connaissent dans les œuvres, d’y voir se refléter leurs connaissances mathématiques et les questions politiques, qui ne peuvent atteindre les simples fidèles.

« […] l’association entre la technique de mesure et la peinture, que Piero lui-même personnifie, est très réelle. D’un côté, beaucoup parmi les peintres, eux-mêmes gens d’affaire, avaient suivi l’enseignement secondaire mathématique dans les écoles laïques : c’était cette géométrie là qu’ils connaissaient et qu’ils utilisaient. De l’autre, le public lettré engageait ces mêmes capacités géométriques dans sa lecture des tableaux ; elles fondaient leurs appréciations et les peintres le savaient. »[2]

Elisa Guilbert

[1] BAXANDALL Michael, L’Œil du Quattrocento, Editions Gallimard, Paris, 1985 (p.55)

[2] BAXANDALL Michael, L’Œil du Quattrocento, Editions Gallimard, Paris, 1985 (p.135-136)

The Flagellation (detail) c. 1455 Oil and tempera on panel Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail)
c. 1455
Oil and tempera on panel
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail) c. 1455 Oil and tempera on panel Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation (detail)
c. 1455
Oil and tempera on panel
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation c. 1455 Oil and tempera on panel, 59 x 82 cm Galleria Nazionale delle Marche, Urbino
The Flagellation
c. 1455
Oil and tempera on panel, 59 x 82 cm
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino

La Naissance de l’Humanisme

L’article qui suit n’est qu’une ébauche de l’histoire de la naissance de l’humanisme, traité avec simplicité, visant à comprendre ce qui peut être à la source de ce courant de pensée, ainsi que les convictions qui l’animent.

Ce mouvement, qui se traduit aussi bien dans la littérature que dans les arts, naît vers la fin du XIIIe siècle, en Italie, et démontre une forte volonté de rompre avec le Moyen-Âge. Je reprends les termes employés dans l’ouvrage de François Lebrun, L’Europe et le monde. XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles. (1987) pour qualifier l’humanisme « C’est à la fois une philologie – méthode d’étude et de critique des textes anciens – et une philosophie – prise de position optimiste sur tous les grands problèmes où l’homme est impliqué. »[1]

 Le terme d’humanisme pour qualifier le mouvement dont nous parlons apparaît au XIXe siècle, mais on qualifie d’ores et déjà d’humanistes certains érudits italiens au XVIe siècle. Ce sont ces hommes qui ont la sensation d’être les témoins d’un changement, de la transition vers une nouvelle époque.

Pétrarque et Boccace peuvent être considérés comme des précurseurs[2] de l’humanisme. Ces deux auteurs cherchèrent à travers toute l’Europe des manuscrits anciens, ils « redécouvrent les lettres latines » et leur but est de faire partager la « culture de l’Antiquité classique ». C’est pourquoi on peut les voir comme ceux qui amorcèrent cette nouvelle vague culturelle qui s’éprend de la pureté des anciens, et qui entend la faire revivre. C’est ce que fait Lorenzo Valla en publiant, plus tard, Elegantiae linguae latinae, qui est le premier manuel de latin qui parait depuis l’Antiquité. Les langues anciennes, telles que le latin – mais aussi le grec, l’hébreu et le syriaque – renaissent avec les érudits de cette époque nouvelle.

 Cet essor des langues anciennes est poussé par la chute de Constantinople (aujourd’hui Istanbul) en 1453. De nombreux maîtres byzantins fuient et ramènent en Occident leurs manuscrits anciens. On redécouvre alors les œuvres de Platon, et c’est Marsile Ficin, un philosophe à la tête de l’Académie de Florence, qui en traduit les Dialogues. C’est ainsi que reprennent vie les idées développées par les néo-platoniciens, comme celle que l’accès à la connaissance se fait par le biais de la beauté. On peut le voir retranscrit en peinture par les maitres de la Renaissance, qui déploient leur érudition dans leurs tableaux (cf. articles concernant la perspective).

Le mécénat important permet à ce mouvement de s’étendre et de se développer, et de créer un mode de vie intellectuel. L’un des plus importants mécènes, qui est lui-même humaniste, c’est Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique, qui est à la tête de Florence.

Les notions que transporte le mouvement humanistes se ressentent dans la création artistique de l’époque, et la Renaissance est synonyme d’érudition, sur les bases de la pureté de l’Antiquité classique.

Elisa Guilbert

[1] LEBRUN François, L’Europe et le monde. XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle. Armand Colin/Masson, Paris, 1997.

[2] HELIE Jérôme, Petit Atlas Historique des Temps modernes. Armand Colin, Paris, 2014.

Portrait of Lorenzo the Magnificent - Oil on wood, 90 x 72 cm Galleria degli Uffizi, Florence
Portrait of Lorenzo the Magnificent

Oil on wood, 90 x 72 cm
Galleria degli Uffizi, Florence